EXPLICATION

De quelques Termes qui ont rapport à la Forge des Ancres.

On n'y a point compris ceux qui regardent les grosses Forges, parce que nous n'en parlons qu'en passant, & qu'on expliquera ces termes, lorsqu'on traitera expressément de cet Art.


A

Ailes d'une ancre. Voyez Pattes.

Aisselles: ce sont les angles rentrants qui sont formés par la verge & les bras: on fortifie les aisselles par des mises.

Amorcer un morceau de fer: quelques-uns disent Emorcer: c'est l'applatir par un de ses bouts comme un coin; il faut amorcer les mises, les bras, & généralement toutes les pieces qu'on veut souder.

Ancre. Gros crampon formé par une forte verge qui se partage par un de ses bouts en deux ou plusieurs branches courbes & pointues & qui porte à l'extrémité un anneau auquel on attache ou on étalingue un gros cable qui répond de l'autre bout au Vaisseau.

L'ancre doit entrer ou mordre dans le fond de la mer, & fixer le vaisseau en un lieu par l'effort qu'elle oppose au vent, aux courants & à la lame.

Les parties principales d'une ancre sont le corps ou la verge, les bras, les pattes, l'organeau. Elle a de plus son quarré, ou sa culasse, ses tourillons, son fort, son foible: les bras ont aussi leur fort & leur foible, leur rond & leur quarré. Tous ces termes sont expliqués page 2.

Jetter l'ancre ou mouiller, c'est quand abandonnée à son poids elle se précipite au fond de la mer. Le mouillage, est le terrein où l'ancre s'attache: quand le fond est de vase ferme ou de sable, on dit que le mouillage est bon; s'il est de roche, de galet ou de vase molle, le mouillage ne vaut rien; car l'ancre ne mordant point ou ne tenant pas ferme, elle obéit aux efforts du vaisseau qui chasse sur son ancre & court risque; de se perdre. Dans les fonds de roche ou de galet les cables se raguent & s'étripent, c'est-à-dire, qu'ils s'usent.

Quelques-uns disent ancrage au lieu de mouillage: mais c'est improprement; car l'ancrage est un droit d'Amirauté.

Désancrer ou lever l'ancre, est la détacher du fond pour l'amener au vaisseau: quand elle a quitté le fond, on dit, qu'elle a dérapé.

Ancre à demeure ou ancre d'amarrage, est celle qui est toujours fixée en un même lieu, souvent à terre au bord du rivage, pour y amarrer ou touer les vaisseaux. Quelquefois ces sortes d'ancres n'ont qu'un bras.

Il y a ordinairement sur un vaisseau: 1°, l'ancre de miséricorde: 2°, la grosse ancre: 3°, l'ancre de veille: 4°, l'ancre d'affourche: 5°, deux ancres à touer.

L'ancre de miséricorde, qu'on nomme aussi l'ancre de la calle, est une sort grosse ancre qu'on tient dans la calle pour y avoir recours dans les besoins pressants. Quelques Capitaines n'en veulent point, parce qu'on s'en sert rarement, & que souvent le danger est passé avant qu'on l'ait parée & mise en état de servir.

Les deux ancres de bord ou des bossoirs, sont: 1°, la grosse ancre qu'on nomme aussi la maîtresse ancre; c'est celle qu'on mouille le plus ordinairement: l'autre est l'ancre de veille, qui est presque aussi grosse que la précédente; on la tient toute prête â mouiller si l'autre chassoit: quelques-uns appellent la maîtresse ancre celle de la calle.

Les ancres d'affourche sont aussi aux bossoirs. Ce sont des ancres moins grosses qu'on mouille pour empêcher les vaisseaux d'obéir aux courants & à la marée; quand un vaisseau est affourché sur deux ancres, celle qui s'oppose à la marée montante s'appelle l'ancre de flot, & celle qui s'oppose à la marée descendante se nomme l'ancre de jusant: de même ancre du large se dit par opposition à l'ancre de terre; celle-ci est du côté de la terre, l'autre du côté de la pleine mer.

On dit que des ancres sont empennelées, quand on en mouille deux à la suite l'une de l'autre.

Brider une ancre, est élargir la surface de ses pattes, lorsqu'on mouille dans un fond de vase molle.

Les ancres à touer, sont de petites ancres que la chaloupe va mouiller à l'avant, & qui fournissent un point fixe pour se rendre dans un endroit en virant sur le cabestan.

Gouverner sur son ancre, est porter le cap sur la bouée pour se rendre à pic ou perpendiculairement sur l'ancre.

B

Bec, ou improprement la béque d'une ancre, est l'extrémité la plus menue des bras: le bec répond à un des angles des pattes.

Bouée. Voyez Orain.

Bras. Les bras d'une ancre sont des pieces courbes qui sont soudées au bout de la verge, & qui doivent entrer dans le terrein pour assujettir le vaisseau. On distingue le fort & le foible, le rond & le quarré des bras, sur lequel sont soudées les pattes, le bec & l'extrémité de ce quarré.

Brider une ancre. Voyez Ancre.

C

Cable. C'est un gros cordage qui répond d'un bout à l'ancre, & de l'autre au vaisseau.

Calcaire. Les pierres calcaires sont celles qui par la calcination se réduisent en chaux: la castine est une pierre calcaire qui se charge des souffres de la mine.

Carguer les voiles, c'est les plier en tout ou en partie pour rallentir la marche du vaisseau.

Castine. Pierre qu'on mêle avec la mine de fer pour aider â la formation des scories. Voyez Calcaire.

Chasser sur son ancre: un vaisseau chasse sur son ancre quand elle obéit à ses efforts.

Chaude. Donner une chaude, est tenir le fer au feu, jusqu'à ce qu'il ait pris assez de chaleur pour être forgé ou soudé. On dit que pour faire une bonne soudure, il saut donner au fer une chaude suante, c'est-à-dire, qu'il commence à fondre.

Cingler, chez les forgerons, signifie forger, étirer, corroyer le fer, en un mot, le paitrir. Ce mot chez les Marins est synonyme avec siller.

Crémaillere. Dans les forges, c'est une sorte de crochet brisé qu'on peut fixer à différentes hauteurs, au moyen d'une piece dentée qu'on arrête avec une bride de fer qui fait l'office d'un linguet. Cet instrument ressemble fort aux crémailleres des cuisines.

Croisée. La croisée d'une ancre est formée par les deux bras qui sont soudés au bout de la verge: quelques-uns appellent cette partie la crosse.

Culasse, ou le quarté de la verge, est une portion qu'on fait quarrée du côté de l'organeau, pour que le jas soit mieux assujetti: le quarré des bras est la partie la plus menue sur laquelle on soude les pattes.

D

Davier. Voyez Ringard volant.

Déraper. Voyez Ancre.

Désancrer. Voyez Ancre.

Devers. Instruments de fer de différentes formes, qui servent à faisir & manier le fer lorsqu'il est chaud. C'est quelquefois un levier, d'autres sois un crochet ou un morceau de fer percé d'un trou dans son milieu: nous en avons fait graver de plusieurs formes.

E

Eguille de fourure. Voyez pag. 18;

Empenneler une ancre. Voyez Ancre.

Encoller, c'est souder les bras à la verge.

Epattée. Une ancre épattée est celle qui a perdu une de ses pattes.

F

Fer affiné est le fer forgé en barre. Voyez pag. 11.

Foible de la verge & des bras. Voyez Ancre.

Fond de bonne ou de mauvaise tenue: Voyez Ancre.

Fonte de fer, Voyez page 11.

Fourures. Sortes de mises qu'on joignoit autrefois aux barres, pour augmenter la grosseur de la verge & des bras.

Frettes. Anneaux de fer plat, qui servent à réunir les faisceaux des barres.

G

Grapins. Petites ancres qui ont le plus souvent quatre bras & point de jas: les grapins du bout des vergues pour les brûlots, sont des especes de crochets: nous les avons fait graver.

Grue. On nomme ainsi dans les forges des ancres des potences tournantes qui servent à porter les grosses pieces de fer du feu à l'enclume.

Gueuse. Gros lingot de fer fondu qu'on moule au sortir du grand fourneau: elle a la forme d'un prisme.

J

Jas. Deux pieces de bois exactement jointes ensemble qui embrassent le quarré de la verge: elles sont réunies par des chevilles & des frettes; on nomme quelquefois ces pieces des jumelles ou des flasques.

L

Laitier ou Litier. Scories de fer à demi vitrifiées qui nagent sur le métal dans les grands fourneaux.

Lever l'ancre, c'est l'amener à bord.

Loupe. C'est du fer de gueuse, fondu par du charbon de bois, & qu'on a un peu pétri sous le marteau.

M

Mises. Ce sont des morceaux de fer détachés qu'on soude ensemble pour en faire une grosse masse.

Mouiller l'ancre, c'est la laisser tomber au fond de la mer. Voyez Ancre.

O

Oreille. Ce sont deux des angles des pattes. Voyez Pattes.

Organeau. Anneau de fer auquel on attache le cable.

Orin ou Orain. Cordage qui est amarré à la tête de l'ancre ou à la croisée, auquel on attache à l'autre bout la bouée qui le fait flotter. Cette bouée est quelquefois un barril, quelquefois des morceaux de liege fermement assujettis les uns aux autres. On hâle sur l'orin, quand on est forcé de lever l'ancre, comme on dit, par les cheveux.

Ouvrer, en terme de Forgeron, est corroyer le fer. Un fer bien ouvré & qui n'est point brûlé, est doux & liant.

P

Palan. Les Marins appellent ainsi les poulies mouflées.

Parer une ancre, en terme de Marins, est la disposer à être mouillée, & parer une ancre, chez les Forgerons, est retrancher ce qu'il y a de trop avec la tranche, & souder des mises aux endroits où il n'y a pas assez de fer.

Pattes. Les pattes sont des morceaux de fer plats à peu-près triangulaires qu'on soude au bout des bras: deux des angles forment les oreilles, & le troisieme le bec.

Prendre. On dit que l'ancre prend, quand elle entre & mord dans le fond de la mer.

Q

Quarré de la verge. Voyez Culasse. Des bras. Voyez Bras.

Quilles de fourniture. Ce sont des bouts de barre auxquels on donne une forme pyramidale, & qu'on employoit autrefois pour augmenter la grosseur de la verge du côté de la croisée.

R

Ringard. Barreau de fer qu'on soude au bout d'une piece qu'on veut chausser & forger pour la manier plus commodément. On s'en sert quand les morceaux étant courts n'ont pas assez de prise, sur-tout quand ils sont trop pesants pour être saisis avec des tenailles. On forme ordinairement au bout des ringards une anse, dans laquelle on passe un morceau de bois pour tourner aisément la piece sur l'enclume. On nomme ringard volant ou davier, un barreau de fer qu'on attache à la piece qu'on veut forger, au moyen d'anneaux & de crampons.

Rouable. C'est quelquefois une espece de ratissoire emmanchée dans du bois, d'autres fois un crochet ou espece de fourgon: son usage est d'attiser le charbon, & dans les fontes, d'écumer le métal.

S

Sillage. Le sillage d'un vaisseau est la même chose que sa marche. On dit indifféremment: ce vaisseau marche bien, ou il a un bon sillage.

T

Tenir bon, se dit quand l'ancre résiste aux efforts du vaisseau.

Tourillons d'une ancre, ce sont deux pieces de fer qu'on soude sur le quarré de la verge, & qui sont encastrées dans les flasques du vas.

Tuiere. Canal de fonte par lequel le vent des soufflets sort pour exciter le feu.

V

Verge d'une ancre, est un gros barreau de fer qui formé la longueur de l'ancre. On distingue le gros ou le fort de la verge de son foible; la culasse fait partie de la verge; & elle est à son foible. Dans quelques Ports on dit improprement la vergue au lieu de la verge.


On pourra penser que j'aurois dû fondre mes Notes avec le Texte de M. de Reaumur; mais j'ai respecté l'Ouvrage de ce célebre Académicien, ce qui m'a déterminé à ne point confondre mes idées avec les siennes. Au reste le parti que j'ai pris un peu moins agréable pour le Lecteur, n'en sera peut-être que plus instructif.

Fin de la Fabrique des Ancres.


Reaumur, R.A.F. & Duhamel du Monceau, H.L.: L'Art de la Fabrique des Anchres, lue à l'académie en juillet 1723: par M. de Reaumur. Avec des Notes & des Additions de M. Duhamel.
1781. pp 51-54.


Transcribed by Lars Bruzelius.


The Maritime History Virtual Archives | Etymology | Search.

Copyright © 2005 Lars Bruzelius.