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Chapitre IX.

Théorie de la Mâture ou des effets de l'eau & du vent combinés ensemble.

I.

66. En examinant les efforts de l'eau, on a appris à trouver leur centre moyen. L'impulsion directe s'exerce dans une direction perpendiculaire au maître gabarit, dans tous les Navires où les deux moitiés sont semblables: síl ságit de routes obliques, le centre d'impulsion est toujours sous le vent, parce que c'est le côté où s'exerce le plus grand effort. Comme on fait que toute impulsion qui ne passe pas par le centre de gravité, donne un mouvement de conversion, & que le côté qui reçoit le plus grand effort, doit le plus céder à son action, il est visible que cette impulsion tend à faire arriver le Vaisseau, ou le faire présenter plus directement au courant. Son moment est égal au produit de la résistance directe par la distance horizontale de son centre au milieu; ceci [?] est fondé sur les principes les plus incontestables de la méchanique.

De même dans les routes obliques, l'impulsion latérale donne un mouvement de conversion, quand elle ne passe pas par le centre de gravité: si son centre est en arriere, l'effort est pour faire arriver, & par conséquent additif à celui de l'impulsion directe; si ce centre est en avant, ce qui, vu létat ordinaire de la construction arrive toujours, l'effort est pour venir au vent, & par conséquent opposé à celui de l'impulsion directe. Tout ceci est encore incontestable; M. Bouguer & les autres Auteurs ne font entrer dans les calculs que l'avant des Vaisseaux, d'où il résulte que le centre des impulsions est beaucoup plus en avant. Je calqule l'avant & l'arriere. Dans l'incertitude où le Lecteur peut être, il est à propos qu'il calcule les Vaisseaux [page 85] dans une l'une & l'autre de ces hypotheses, & qu'il compare les résultats avec l'expérience.

Le Vaisseaux ne peut suivre constamment la même route, si l'effort de l'impulsion de l'eaudétruit par un effort égal & opposé. Cet effort est celui que l'on tire de l'action latérale du vent. Supposons, pour donner une idée claire de cette théorie, que l'impulsion directe soit égale à un plan résistant de trente pieds réunis à quatre pieds du milieu, son effort pour faire arriver est cent vingt: si l'impulsion latérale est en mêmetemps de quarante pieds, & se réunit à huit pieds avant du centre de gravité, son effort, pour faire venir au vent, est trois cens vingt; ainsi l'effort total, pour venir au vent, est deux cens: il faut donc que le moment de l'effort latéral soit égal à celui ci.

C'est un principe que l'action & la réaction sont égales & opposées; ainsi le Vaisseau ayant eu trente pieds de résistance directe, & quarante de latérale, les efforts du vent décomposés en directs & latéraux, ont suivi le même rapport; & l'effort du vent étant quarante, pendant que les momens doivent être deux cens, le centre d'impulsion du vent, doit être à cinq pieds, en avant du centre de gravité: & alors l'effort du vent qui tend à faire arriver, est égal à ceux de l'eau pour faire venir au vent: c'est donc dans ce point qu'on a montré a calculer, que doit être le centre des impulsions du vent; &, s'il n'y avoit qu'un seul mât, il faudroit l'arborer dans ce centre d'impulsion: mais s'il y en a plusieurs, il faut que les voiles, de part & d'autre, soitent en équilibre. Il est essential d'observer que si ce centre dépend de la proue uniquement, les mâts seront en équilibre autour du même point de l'avant, quel que puisse être le prolongement & la figure de l'arriere. On donnera le calcul de la position des mâts de l'unicorne dans cette hypothese, on y trouvera des contradictions avec l'expérience, telles qu'il ne sera pas possible de pouter [?] qu'on ne doive aussi calculer l'arriere.

67. Quand on attribue aux Vaisseaux la forme qu'ils ont le plus ordinairement, le centre des impulsions dans les routes peu obliques, coupe la quille environ à 1/20 de la longueur en [page 86] avant du centre de gravité: mais ce point varie considérablement, il n'est le mêmeni dans les différens Vaisseaux, ni pour les différentes vîtesses du même Vaisseau, ni lorsque la différence de tirant d'eau varie. On peut même regarder comme un à-peu-près utile, que quand le Vaisseau est plus sur l'avant de un pied & demi par l'arrimage, le centre d'effort de l'eau se rapproche de l'avant d'un pied environ.

Pourvu que les voiles soient en équilibre autour de ce centre d'efffort, on peut mettre telle variété que l'on veut dans les combinaisions; c'est ce qu'on remarque dans les petits Navires, les uns n'ont qu'un mât, non compris le beaupré, les autres deux ou trois; les proportions de ces mâts varient ainsi que leurs centres d'effort; aussi la figure des petits Navires est-elle plus variée que celle des grands Bâtimens.

II.

De la Figure qu'il faudroit donner aux Vaisseaux, pour qu'ils gouvernassent parfaitement bien, par le moyen des voiles.

68. Quand le Vaisseau suit une route constante, l'effort du vent, supposé constant, contrebalance l'effort de l'eau pour faire tourner la proue; mais si cet effort miminue parce que le vent perd de la force, ou parce qu'on ferre une partie des voiles, l'impulsion de l'eau ne diminuera pas dans le même rapport, au même instant; ainsi l'effort du vent étant moindre que celui de l'eau, cet excédent d'impulsion portera le Navire au vent: ce premier effet est suivi d'un autre tout-à-fait opposé, le Vaisseau, par son détour, donnera lieu à l'eau de frapper une grande partie de la poupe, ce qui la fait arriver.

Cet accident ne peut avoir lieu si la direction du choc de l'eau passe par le centre de gravité, parce qu'elle ne donne alors aucun mouvement de conversion. Un grand nombre de figures rempliroient cet objet, telles sont toutes cellesoù la proue & la poupe sont semblables; il n'en est même aucune où [page 87] cette condition ne pût être remplie, si elle étoit d'une grande importance; mais comme ce point varie selon les divers degrés de vîtesse du Navire, & d'un instant à l'autre, il suffit que la distance du centre d'effort au centre de gravité, ne soit pas trop considérable.

69. M. Bouguer, ce savant estimable, dont on ne remarque les erreurs que parce que son ouvrage est trop utile, pour les y laisser subsister; ce savant qui a eu la gloire de porter la théorie dans un sujet où elle avoit jusques-là été étrangere, dont nous suivons même les principes, en regrettant qu'il ne les ait pas portés plus loin, aprés avoir entrevu quelque rapport avec la partie postérieure de la carene; ce cavant, dis-je nous fournit une observation très-utile.

"Lorsque le Vaisseau s'incline beacoup dans les routes oblique, vu les gabarits ordinaires, le centre d'impulsion se porte plus avant; ainsi la position de la voilure restant la même, le Vaisseau vient plus au vent. M. de Radouay, ancien Officer Général de la Marine, fit heureusement usage de cette remarque dans une occasion très-importance. Son Navire se perdoit infailliblement, à ce qu'il nous assure, si, pour le faire arriver, il n'eût fait passer la plus grande partie de son équipage du côté du vent, pour diminuer l'inclinaison. Au reste, on voit que cettte manoeuvre iv [n?] doit réussir que dans les Vaisseaux d'une certaine forme; mais elle n'en est pas moins utile à connoître, puisque cette forme est celle que les Navires ont ordinairement". 70. On vient de considérer l'effet des impulsions de l'eau, le mouvement de conversion horizontal qui en résulte; lorsque leur centre n'est pas dans l'axe vertical qui passe par le centre de gravité: il faut considérer à présent la même action, pour donner un mouvement vertical; mouvement qui éleve la proue & fait plonger la poupe.

L'impulsion directe, si elle s'excerce sur la même ligne horizontale où est le centre de gravité, ne fait plonger le Vaisseau ni en avant, ni en arriere; voyez (Fig. 31) qui représente une coupe longitudinale, & où G est le centre de gravité. Si l'impulsion moyenne est plus basse, comme en I, l'effort du fluide [page 88] ne peut repousser le point I en arriere, sans que la ligne AM ne vienne am, ou que le Vaisseau ne plonge en avant: si l'impulsion agit sur un point plus élevé que le point G, le Vaisseau au contraire plongera sur l'arriere; ainsi l'effet de l'eau qui provient de l'impulsion directe, peut plonger le Vaisseau sur l'avant ou sur l'arriere; mais ce n'est jamais que d'une quantité insensible. L'effort du vent est toujours pour plonger le Vaisseau en avant: à cause de l'égalité de l'action & de la réaction, l'effort du vent dans les routes directes, est égal à celui de l'eau; son bras de levier est sa hauteur moyenne au dessus du centre O de la charge. Si donc on nomme P l'effort de l'eau ou du vent qui lui est égal, l'effort du vent pour faire incliner le Vaisseau, sera P.FG: l'effort de l'eau lui est égal, sera P.±GI ou la ligne + a lieu, si I est plus bas que G, parce que les deux efforts produisent le même effet, & le signe — si I est au dessus de G; ainsi l'effort total est toujours FI.

III.


Du Maitz de Goimpy, Francois: Traité sur la construction des vaisseaux dédié et presénté au Roi.
D.C. Couturier pere et fils, Paris, 1776. 4to, 17×11.5 cm, (4), xx, 211, (3) pp, 2 fold. plates.

Transcribed by Lars Bruzelius


Sjöhistoriska Samfundet | The Maritime History Virtual Archives.

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