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Des Frégates.

C'est principalement pour les Frégates que la longueur a varié, elle a été 3 4/5, & jusqu'à e¼ la largeur; on conviendra que les Frégates sont faites pour marcher; mais ce grand rapport de la longeur à la largeur, a-t-il donc assuré la marche; un exemple particulier, n'est pas suffisant, parce que cet exemple dépend quelquefois d'une circonstance singuliere, & de ce qu'on n'avoit que de mauvaises Frégates pour terme de comparaison; si un seul exemple suffisoit, on citeroit l'Opale, la Belle Poule, la Syrene sur-tout dont la marche s'est soutenue vis-à-vis un grand nombre de Bâtimens différens, & qui n'a été prise que quand on a oublié qu'une Frégate n'étoit pas Navire Marchand. Nota. Leur longueur est 3 4/5 la largeur.

On a eu plusieurs Frégates forr longues; la Nimphe qui a été la plus longue, le Maréchal de Belle-Isle, joint par des Frégates Angloises de peu de réputation; la Silphide qui, dans l'Inde a eu une grand réputation; la Therpsicore, bonne voiliere, mais sans avantage sur la Chimere, la Danaë qui a été prise, l'Aigrette, la Vestale, la Boufonne que des Navires proportionellement plus courts, ont quelquefois jointes.

Ces grandes longueurs ne donnent donc pas une marche incontestablement supérieure, & du côté de la guerre, elles donnent un désavantage certain: ma théorie en indique la cause, elle est dans la grande élévation du point vélique, si on suppose même plan, même différence de tirant d'eau, il est vrai qu'on le corrige en partie par l'arrimage, &c.

L'allégissement leur est favorable d'ailleurs; ainsi l'avantage que donne la languer se perd en très-grande partie; il semble cependant que la marche soit avantageuse, quand on voit des Frégates aussi longues, & même plus, que les anciens Vaisseaux de 64 cannons, que le Magnanime, ancien Vaisseau à trois ponts porter 26 canons: il est difficile de ne pas penser que ce sont des découverts sort cheres; on a été jusqu'à faire ces Frégates, sans cannons de gaillairds, on a ensuite diminué le nombre des cacons en batterie, est-il donc démontré [page 181] que ce retranchement est avantageux à un point qui fasse que l'on doive y compromettre l'honneur des armes du Roi; car quand ces Frégates, qui sont très-longues, sont prises par des Bâtimens de plus foibles dimensions, il s'en fait une comparaison publique qui est d'un mauvais effet pour nos équipages, qui encourage les Navires Anglois, & leur fait prendre une idée de supériorité; enfin, si elles joignent une Frégate Angloise, elles auront un désavantage.

On a retranché les canons des gaillards dans un très-grand nombre de ces Navires. Si on eût voulu jetter un coup d'œil sur les anciennes Frégates de 46 canons, je doute qu'on s'y fût jamais déterminé. Craignons d'abandonner des avantages réels pour d'imaginaires & non démontrés; car enfin, qu'est-ce que cela fait à la marche?

L'honneur des armes du Roi, l'honneur des Officiers, qui en est inséparable, est intéressé à rétablir ces canons; mais avant d'entrer dans une discussion à ce sujet, il est à propos de prévenir toute objection.

Quel usage se propose-t-on de faire des Frégates; servent elles en escadre; & suppose-t-on qu'elles n'ont à remplir que la fonction de découvertes; si on craint que les canons de gaillards n'empêchent de remplir cet objet, si on a même éprouvé qu'ils sont nuisibles à la marche, on les mettra dans la calle, & tout sera réparé; mais il leur arrivera quelquefois de joindre un Navire qu'il sera important de degréer; on remontera ces canons, c'est l'affaire d'un quart d'heure; elles sont détachées pour convoyer, leurs canons de gaillards sont indispensables; enfin, comme elles sont à même de mettre leurs canons dans la calle, quand ils nuitront à la marche, le pis aller sera d'avoir la calle, quand ils nuiront à la marche, le pis aller sera d'avoir la peine de faire cette manoeuvre: il n'y a donc nulle raison plausible pour faire des Frégates sans canons de gaillards: le pis aller, c'est de les porter & rapporter sans s'en être servi.

Quoique je pense que ce raisonnement est sans réplique, supposons un instant qu'on ne soit pas maître de prendre ce parti, & voyons si les canons de gaillards préjudicient à la marche.

Les Frégates sont faites pour naviguer droites, or, les poids supérieurs font que le Navire plie davantage, donc cela nuit [page 182] beaucoup à la marche, & il faut par conséquent en diminuer l'artillerie; c'est le seul argument plausible qui ait été fait contre les canons de gaillards. La réponse faite c-dessus, y est applicable; on peut mettre les canons dans la calle: mais, enfin, toutes ces raisons sont-elles bien véritables?

On conviendra que les Navires sont faites pour avoir de la stabilité, & que les poids supérieurs la diminuent; mais quelle raison peut-on apporter pour montrer que la marche vent arriere, & sur les routes qui en approchent doit en être affectée? Une Frégate de 34 pieds de large portant 8 canons de 8 sur les gaillards, pourra, dans quelques cas, plier de deux pouces de plus, que si elle n'en a pas: ce sera dans des cas fort rares. J'ai fait les calculs pour de plus grandes quantités, sans trouver de différence de marche sensible; pourquoi donc se persuader qu'il doit en résulter de si grandes désavantages?

Mais enfin, est-il-bien décidé qu'au plus près, le Navire qui plie un peu plus, marche le plus mal; que le Navire qui porte supérieurement la voile, est le meilleur voilier: il y avoit jadis dans la Marine, un opinion contraire; & une opinion dans ces sortes de choses, ets le résultat de qu'on a vu arriver les plus fréquemment, & que l'on se persuade devoir arriver encore.

Ainsi, l'Amazone qui marchoit bien au plus près, plioit beaucoup; le Zéphire dont le fort de la marche étoit au plus près, ne laissoit pas de plier; le Duc de Bourgogne qui la porte supérieurement, va mal au plus près; je fais que cela peut dépendre de ce qu'en général, un Navire qui porte bien la voile, a ses flottaisons fort grosses; mais l'on fait un peu pencher les bateaux pour qu'ils gagnent dans le vent, lorsqu' ils ne sont pas déja fort inclinés: la "Malicieuse" inclinée marchoit mieux que l'Oplae; elle portoit moins bien la voile: au reste, ce ne sont que des exemples particuliers qui laissent encore la question indécise, quoique ma théorie qui exique le concours des actions de l'eau & du vent pour la position parfaite, semble être à l'applui de cette opinion. Mais n'entrons pas davantage dans une difficulté qui n'est pas absolument constatée par les faits, qui eut demandé des calculs rigoureux, & qu'il nous suffise de voir qu'on ne peut supposer qu'il doive en résulter ûne grande perte de marche. [page 183]

De l'équipment des Frégates.

118. Comme les Frégates sont moins chargées d'artillerie que les Vaisseaux de guerre, eu égard à leur dimensions, la partie de leur équipage qui n'est pas employée au canon, doit être proportionnellement plus considérable. ans la fixation des équipages, on n'a pas eu égard aux croisieres: lorsqu'elles y seront destinées, on pourra leur donner une vingtaine d'hommes de plus.

Comme les canons actuels sont d'un poids moindre que les anciens, & qu'il est utile d'avoir sur les gaillards des canons qui ne soient pas trop courts pour les dégager des rides d'hauban, on peut fixer ainsi les Frégates, elles sont toutes faites à une seule batterie & gaillards.

      Rangs de Frégates 
           Canons                Nombre        Largeur       Longeur
Total.    Batterie.  Gaillards  d'hommes    p'ds    p'ces     p'ds
 38       28 de 12    10 de 8      260       34       6        134
 34       26 de 12     8 de 6      220       32       6        126
 30       24 de 8      8 de 6      180       30       6        118
 26       22 de 8      4 de 4      150       28       6        110
 22       20 de 6      2 de 4      120       26       0        100
On peut abandonier aux essays toutes les Corvettes inférieures à celles ci, & même la derniere, & en général, tous les Navires qui portent une artillerie moindre que les canons de 8.

Les Frégates n'étant hamais dans le cas de combattre en ligne, on peut donner de longuer 4 fois la largeur, [page 184] c'est-à-dire, 4 pieds de plus, ou, si l'on veut, 2 pieds de moins que les proportions établies ci-dessous. [. . .]


Du Maitz de Goimpy, Francois: Traité sur la construction des vaisseaux dédié et presénté au Roi.
D.C. Couturier pere et fils, Paris, 1776. 4to, 17×11.5 cm, (4), xx, 211, (3) pp, 2 fold. plates.

Transcribed by Lars Bruzelius


Sjöhistoriska Samfundet | The Maritime History Virtual Archives.

Copyright © 1996 Lars Bruzelius.