Saverien: Petit dictionnaire historique, 1758.

[Excerpts]

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Aiguille.
Partie de l'éperon d'un vaisseau, qui est comprise entre la gorgere & les porte - vergues. Voyez Fleche. Il y a deux aiguilles à un vaisseau, l'une sur l'autre.

L'inférieure d'un vaisseau de cent trente-sept pieds de long de l'étrave à l'étambord, a vingt-deux pieds de long, dix-sept pouces de large, & quatorze pouces d'épais à son arriere ou au bout qui joint l'avant, & environ dix-sept pouces de courbure. A cinq pieds de son arriere, il a douze pouces de large; à neuf pieds, onze; au bout du bestion, neuf; & à deux pieds du bout de devant, cinq pouces.

L'aiguille supérieure a un pied de large à son arriere, & cinq pouces en devant. A l'égard de l'épaisseur, elle est de douze pouces en arriere, & de neuf en devant.

Aiguille
Terme de radoubage. Longue & grosse piece de bois en arcboutants, avec laquelle les charpentiers appuient les mâts d'un vaisseau, quand on le met sur le côté pour leui donner carene. Suivant les ordonnances du Roi, quand on carene un vaisseau, le maitre de l'équipage doit avoir soin que les aiguilles soient bien présentées & bien saisies, les ponts bien étanç.onnés aux endroits où ils portent, les caliornes bien éloifnés & garnies, & les pontons pourvus de caliornes, francs-funins, barres & cabestans. Pour l'intelligence de ceci, voyez tous ces mots.
Cheville.
C'est un morceau de bois ou de fer, qui sert à lier ensemble les membres & les bordages d'un bâtiment. On met principalement des chevilles de fer à l'étrave, à chaque écart de la quille, & à l'assemblage de la quille & de l'étambord. On doit employer ces derniers chevilles le moins que l'on peut, parce qu'en se rouillant, elles se relâchent: aussi ne met-on que des chevilles de bois dans les œuvres vives.
Cheville a boucle.
Cheville de fer, à la tête de laquelle il y a une boucle.
Cheville a boucles et a goupilles.
Morceua de fer assez long, dont un des bouts est percé pour recevoir un goupille ou clavette, & l'autre est garni d'une boucle ou anneau de fer. Les Hollandois s'en servent au leiu d'antoit, en s'aidant avec des cordes.
Cheville a croc.
C'est une cheville de fer, avec un crochet, & placée à côté des sabords, pour y amarrer les canons.
Cheville a goupilles.
C'est une cheville percée par le bout, pour y recevoir une goupille ou clavette.
Cheville a grille & a boucles.
Voyez Goujon.
Cheville a œillets d'affut.
Ce sont des chevilles de fer, où il y a des boucles de fer. [page I:247]
Cheville a tête de diamant, ou a tête ronde.
C'est une cheville de fer, dont on fait la tête fort grosse, pour l'empêcher d'entrer entiérement dans le bois du vaisseau.
Cheville a tête perdue.
Cheville dont la tête entre dans le bois.
Cheville d'affut.
C'est une cheville de fer, qui fait la liaison de tout l'affût, dont on se sert sur le vaisseau, & qu'elle traverse.
Cheville de fer a charger le canon.
Morceau de fer, plus long que large, dont on charge le canon, pour mieux couper les manœuvres des vaisseaux ennemis.
Cheville de pompe.
Cheville de fer, mobile, que sert à assembler la trinquebale avec la vergue de pompe.
Cheville de potence de pompe.
Cheville de fer, qui a environ un pied de long, & qui passe dans les deux branches de la potence de la pompe, pour tenir les trinquebales.
Cheviller,
terme de construction. C'est mettre des chevilles dans des trous percés les recevoir. ce sont les maîtres-perceurs qui font ces trous, c'est-à-dire, des ouvriers qui ne font que cela, afin qu'ils acquierent, par un travail continu, une longue expérience, & qu'ils y donnent tout leur soin. En effect il est très-important que ces trous soient bien faits, afin qu'un vaisseau soit bien chevillé, & par conséquent que ses membres soient fortement liés, tiennent fermes, & qu'il acquiere par-là la solidité nécessaire à sa conservation. Une autre attention de grande conséquence, lorsu'on cheville, c'est de voir si les chevilles ferment le trou dans toute la longueur: car dans le cas où elles sont trop courtes, il faut remplir exactement pardehors le vuide de ce trou, afin d'empêcher que l'eau n'y entre, & ne s'insinue par-là le long des fibres du bois.
Chevillots.
Especes de chevilles de bois, tournées, & qui servent à lancer les manœuvres le long des côtés du vaisseau. [page I:248] . . .
LANCER.
On se sert de ce verbe pour exprimer le mouvement d'un vaisseau qui, au lieu de filler en droite ligne, se jette d'un côté & d'autre, soit par la faute du timonnier, ou autrement. On dit donc alors que le vaisseau lance à bas-bord & à stribord.
Lancer une manœuvre.
C'est amarrer une manœuvre autour d'un bois mis exprès pour cet usage.
Lancer un vaisseau a l'eau.
C'est mettre un vaisseau à l'eau. Cela se fait ainsi.

Le plan ou le chantier qui soutient le vaisseau à terre, est incliné à l'eau, & cette inclinaison est ordinairement de six lignes sur un pied de longueur. On le prolonge jusqu'a l'eau, en y ajoutant d'autres poutres & d'autres tins, qui forment un plan toujours également incliné, & on met au dessus de forts madriers, pour servir de chemin à la quille retenue dans une espece de coulisse formée par de longues tringles paralleles. On place ensuite de chaque côté, jusqu'a l'eau, des poutres qu'on nomme Coites, & qui étant éloignées les unes des autres, à peu près à la distance de la demi-largeur du vaisseau, répondent vers l'extrêmité du plat de la maîtresse varangue. Comme elles ne peuvent être allez hautes pour parvenir jusqu'à la carene du vaisseau, quoiqu'elles soitent fort avancées dessous, on attache deux autres pieces de bois, appellées Colombiers, qui s'appuient sur les coites, & qui peuvent glisser dessus. Ces poutres sont frottées avec du sain-doux ou avec du suif. On frotte de même la quille. On attache ensuite le vaisseau par l'avant, par les côtés & parderriere à un des gonds du gouvernail. Des hommes tiennent les cordes des côtes & de l'avant, & la corde de derriere, qu'on appelle Corde de retenue (voyez ce mot), est liée à un gros pieu qui est en terre.

Les choses ainsi disposées, on ôte, à coups de massue, les anciens coins, & on en substitue sur le [page II:81] champ de noveaux, pour soutenir la quille dans le temps qu'elle coulera. Enfin on coupe les acores & les étances devant & des côtés, & la corde de retenue, & dans l'instant le vaisseau part.Il faut alors jetter de l'eau sur l'endroit où il glisse, crainte que le feu n'y prenne par le grand frottement, & mettre tout en œuvre, afin d'accéler la marche du vaisseau. A cette fin on engage de longues solives dans la quille, par leur extrêmité, pour l'agiter ou l'ébranler, si le vaisseau ne part pas assez vîte; & les hommes qui tiennent les cordages de l'avant, dont j'ai parlé, les tirent alors, ou les roidissent par le moyen des cabestans, & ils halent ceux des côtés, pour retenir le vaisseau dans sa chûte, ou pour diminuer la force du choc dans l'eau, qui lui seroit préjudiciable.

Cette maniere de lancer les vaisseaux à l'eau, qui est sans contredtit la meilleure qu'on ait imaginée, n'est cependant pas suivie par les Portugais. Ces peuples estiment qu'il vaut mieux que le vaisseau entre dans l'eau par la pouppe, que par la proue. Ils on sans doute leurs raisons: mais il n'est point aisé de les découvrir. Dans le Nord-Hollande, pour lancer les vaisseaux à l'eau, on les fait passer sur une digue, qui s'éleve en talud des deux côtés, & qui est frottée de graisse. Le vaisseau est contruit sur un pont à rouleaux, au bas de la digue. On amarre deux cordes à l'étrave, en deux endroits, & autant à la quille, & on ceintre l'arriere avec d'autres cordes. Ces cordes passent par divers vindas ou cabestans, dans chacun desquels il y a deux poulis & trois rouets dans chaque poulie. Vingt à trente hommes virent ces machines, tandis que d'autres sont attenifs à roidir les cordes de l'arriere, lorsque le bâtiment vient à reculer. On le monte d'abord au haut de la digue, & quand il y est parvenu, on le met sur la pente qui conduit à l'eau, & on le suit à peuprès [page 82] de la même faç.on qu'on l'a suivi pour le faire monter.

Les Anciens conduisoint leurs vaisseaux à l'eau sur des rouleaux (voyez Baptiser): mais ces vaisseaux étoient si médiocres, que leur méthode ne peut fournir rien de curieux, ni d'utile. Voyez aussi Flotte.


Alexandre Saverien: Petit dictionnaire historique, theorique et pratique de marine ancienne & moderne, & oy l'on donne l'explication de toutes les termes de cet art, avec les methodes es plus habiles marins, soit pour la construction des vaisseaux, soit pour leurs differentes manoeuvres & evolutions navales.
C.A. Jombert, Paris, 1758. 2 vols, 12mo, xxiv, 434 pp & 387 pp, 4 plates. [Polak 8677]

Transcribed by Lars Bruzelius.


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