Babron: Précis des pratiques de l'art naval, 1817

Introduction

Traité élémentaire et pratique de l'art naval.

De l'Architecture navale.

Du Bois de Construction.

Article du Vaisseau.

De la Voilure des Vaisseaux.

Les voiles, velas, sails, sont un assemblage de plusieurs largeurs, lés ou bandes de toile cousues en coutures plattes les unes avec les autres, ou en coutures rondes, suivant l'espèce de voiles. Ce sont les voiles qui, en recevant sur leurs surfaces, proportionnées au bâtiment, le choc du vent, donnent de la vitesse aux navires et les redent faciles à se mouvoir et à évoluer à travers le fluide: l'équilibre que l'on met entre elles fait que le vaisseau sille presque directement; il ne changerait jamais sa route ou la direction qu'il suit, s'il n'était détourné de cette direction par les mouvemens de la mer ou quelques changemens dans le vent qui, venant à troubler l'équilibre de la voilure, oblige de se servir sans cesse du gouvernail pour le redresser et le remettre en route et en équilibre. Les voiles de toute esèce de navires doivent être taillées de manière qu'elles soient les plus plates possibles lorsqu'elles sont orientées et exposées au vent, et cela, sous toutes les allures et dans tous les cas, parce qu'alors l'impulsion du vent se décompose moins, et elles ont plus d'effet sur le vaisseau. L'élévation et les dimensions des voiles doivent être déterminées par des principes qui constituent une des branches les plus délicates de la science navale, mais qu'un ouvrage aussi restreint que celui-ci ne permet pas de détailler.

Il y a des voiles de différentes espèces et formes dans les [page 173] bâtimens, et même dans un seul vaisseau. Il y a de petites barques qui ne portent qu'une voile, tandis que les gros vaisseaux en ont jusqu'à 46 de formes variées, sur différens mâts, etc. Nous allons en donner une idée.

On connaît, quant à la manière d'être attachées ou tenues, trois sortes de voiles: 1°. Celles qui, par leurs côtés supérieurs, sont attachées sur une vergue; 2°. Celles qui ont un de leurs côtés verticaux fixé le long du mât; 3°. Enfin,celles qui sont sur un cordage, un étai et une draille tendues d'un mât à l'autre. Quant à la forme des voiles, on en connaît de trois façons: les carrées, les trapézoïdes et les triangulaires. Les voiles qui sont tenues sur les vergues sont de trois formes différentes connues, telles que carrées, en trapèze ou triangulaire.

Les voiles carrées, velas redondas, ou de cruz, square-sails, sont ainsi nommées par analogie, quoiqu'elles ne soient pas exactement carrées; elles ont deux de leurs côtes parallèlles entre elles ainsi qu'à l'horizon: les deux autres côtes ne sont pas dans toutes parallèles entre-eux ni perpendiculaires à l'horizon, la plupart des voiles carrées ayant leur base plus grande que le côté supérieur; dans les vaisseaux, il y a autant de voiles carrées que de mâts séparés, à l'exception de la voile du mât d'artimon qui est trapézoîde et de la seconde espèce.

Les voiles carrées sont manoeuvrées par différens cordages connus sous les noms de drisses, d'écoutes, bras, amures, boulins, cargues et palans de ris. (Voyez l'article Gréement, page 127.)

Les voiles de forme trapézoîde, tenue sur des vergues, vela de bellandra, lug-sail, sont les voiles des lougres, dites voiles de bourcet ou voiles au tiers, ainsi que les voiles de balandre; le côté supérieur de ces voiles est attaché sur une vergue qui est suspendue au bas mât, obliquement à l'horizon et assez sembalge aux anciennes vergues des vaisseaux, c'est-à-sire aux vergues d'artimon; on peut comprendre dans cette classe les bonnettes, les voiles de fortune oblongues, dont le côté le plus étroit est celui d'en-haut; on appareille ces bonnettes à côté des voiles carrées, expliquées ci-dessus, sur de petites vergues qui se placent en-dehors et dans le prolongement de la vergue principale à laquelle elles s'adaptent; c'est ce [page 174] qu'on nomme bout-dehors. Les bonnettes servent lorsqu'on a le vent favorable, soit largue, soit vent-arrière, à présenter au vent une plus grande surface de toiles, pour augmenter la surface du vaisseau avec la voile à laquelle elles servent d'auxiliares.

Les voiles triangulaires, qui sont tenues sur les vergues appelées antennes, sont nommées voiles latines, velas latinas, lateen-sails. Ce sont les anciennes voiles des latins que nous conservons encore dans la Méditerranée: ces voiles se manoeuvrent par des ourses semblables à celles d'artimon; celle de devant est appelée ourse à proue; celle de derrière, ourse à poupe.

Les voiles auriques, velas de cangreja, shoulder of mutton sails, se fixent le long du mât, se hissent et s'amènent par le moven de cercles ou anneaux qui cont fixés sur différens points de leur chute et embrassent le mât; elles se bordent et prennent le vent d'un seul côté de ce mât; telles sont les voiles à corne et à gui, comme les voiles de brigantin ou de cutter et de goëlette, ainsi que les voiles à livarde ou de houari.

Les voiles qui sont tenues sur un étai, une draille ou tout autre cordage tendu d'un mât à l'autre, se nomment voiles d'étai et focs, velas de estay y foques, stay sails and jibs. Elles sont pour la plupart triangulaires et les autres trapézoïdes; elles ont un de leur côté tendu à la mainière d'un rideau, le long de leur étai respectif, faux-étai, ou d'un cordage nommé draille qui est placé ad hoc, et suit la même direction que l'étai; on les appelle, mais improprememnt, voiles latines, à cause de quelque ressemblance et de leur forme triangualire.

Après avoir donné une idée des espèces et des formes des différentes voiles employées et en usage sur les bâtimens flottans, sans parler de celles des barques des pays lointains, dont quelques-unes sont en nattes, d'autres en tissus de roseaux ou autres, je vais donner à présent la nomenclature de toutes les voiles d'un vaisseau.

NOTA. Dans les tables des dimensions des mâts, j'ai donné la surface des voiles des différens vaisseaux espagnols, sans y comprendre les bonnettes ou voiles d'étai, en mètres carrés. On peut voir la quantité immense de toile que l'on présente à l'impulsion du vent dans un vaisseau de 120 anglais; je joindrai la table la table des surfaces des voiles, en mesure métrique, à la fin de l'article voilure, ainsi que celle d'un bâtiment anglais de chaque rang, pour établir la comparaison, et comme peu connues.

Nomes des voiles

SUITE des Noms des Voiles

Arrimage des Vaisseaux.

De la Natation

Des Avaries et des moyens de les réparer.

Si, étant vent arrière, largue ou au plus près, l'itague d'un hunier ou d'un perroquet vient à manquer, on l'amenera, en le brassant au vent et pesant sur les cargues jusqu'à ce que la vergue soit supportée par ses balancines; on changera l'itague cassée ou on l'épissera, et on appareillera de nouveau le hunier.

Si, étant au plus près, la bouline du vent d'un des huniers vient à manquer, on le carguera, en mettant le point dans la hune d'où on frappera une autre bouline sans difficulté; si c'était à la vue de l'ennemi, on la frapperait sans amener le hunier, en affalant un gabier par la drisse de la bonnette d'hune. Si, de vent largue ou au plus près, le bras du yent d'un des huniers vient à manquer, on l'amènera sur ses balancines, en le brassant tout-à-fait sous le vent et à toucher les haubans, on pèsera sur la cargue-point du vent pour tenir la vergue, et on passera un autre bras.

Si c'est le bras de sous le vent qui a manqué, on amènera le hunier sur ses balancines, en le brassant au vent jusqu'à le masquer tout-à-fait en pointe; on pèsera ensuite la cargue-point de sous le vent pour appuyer la vergue, et on changera ou on épissera le bras sans aucun risque.

Si c'est une écoute d'hune qui a manqué, soit au vent ou sous le vent, on amènera lestement le hunier, tout en le carguant et le brassant au vent, efin de mettre les points dans la hune et passer une autre écoute; mais s'il vente, on bossera le point d'écoute pour qu'il ne joue pas et n'empêche pas de faire le noeud d'écoute, si elle est simple.

Si la grande amure ou l'amure de misaine venait à casser, on carguerait la voile le plus vivement possible, après quoi on bosserait le point pour passer l'amure avec plus de facilité, ou la nouer, si elle était simple: il en serait de même d'une écoute.

Si un mât d'hune a consenti ou éclaté, ou si l'avaire occasionnée par un boulet n'est que de quelques pieds au-dessus du chouquet ou au-dessous, et que, par circonstances, on se trouve sans mât d'hune de rechange, on amènera le mât avarié jusqu'à ce que la partie endommagée soit en-dessous du chouquet; on le bridera solidement, par des lieures et des roustures, autour dun ton du grand mât, tant en-dessous du chouquet que par sa caisse sous la hune; on remplira bien les vides du chouquet et des barres maîtresses, avec des coins; on reprendra les haubans et galhaubans, en les racourcissant, et ce mât pourra porter ainsi son hunier avec un ou deux ris pris. Quand on remplace un mât d'hune, à la mer, comme l'opération ne diffère de la manière que j'ai indiquée lors de l'armement, que par les précautions qu'exigent les mouvemens de roulis et de tangage, il deviendrait à peu près inutile de la répéter ici.

Quand une basse vergue est rompue et que l'avarie est de nature à permettre de la réparer en place, on assujétira, aussi bien qu'on le pourra, les parties rompues ou fracassées, et on les jumellera solidement, en fortifiant le tout par de bounes roustures, reatas, wooldings; mais si l'avarie est telle qu'il faille nettre la vergue sur le pont, comme quand elle est coupée ou bien rompue par le milieu ou près du milieu, dans un endroit qui fatigue, après avoir paré les bouts rompus, s'il y a séparation, on rejoindra les parties au moyen de boulons en fer, enfoncés dans le milieu de l'intérieur de la vergue, et de bonnes languettes endentées à fleur de bois, dans des entailles ou écarts à la flammande creusés dans la vergue, ensuite bien chevillés, cloués et recouverts de bonnes jumelles; le tout consolidé et affermi par de bonnes roustures et des lieures solides. Quand l'assemblage est bien fait, une vergue ainsi réparée en vaut une neuve; elle est seulement un peu plus matérielle. Il y a plusieurs autres manières; mais celle-ci étant la plus promte et une des plus simples, je crois qu'elle doit être préférée.

Etant démâté de son grand Mât, en établir ou remâter un autre.

Si, par l'effet d'une tempête, les suites d'un combat, un échouage ou tout autre accident, on a perdu son grand mât, si l'on est à la mer surtout, on se hâtera de couper de suite les haubans du vent et de sous le vent, le grand étai et son faux-étai, afin que le mât et son gréement ne reste pas un instant le long du bord où il pourrait défoncer le côté ou le fond du vaisseau; à cet effet, on n'oubliera pas de couper toutes les manoeuvres du grand mât, tant courantes que dormantes; on se mettra, si on n'y est pas, à l'allure qui fatigue le moins le vaisseau; on prendra toutes les précautions pour assurer les autres mâts. Dès quon se sera débarrassé des débris et que le tems aura calmé, on s'occupera à gréer un autre grand mât, soit avec un mât d'hune de rechange, soit, à son défaut, avec le petit mât d'hune que l'on dépassera, s'il n'a pas été entraîne dans la chûte du grand mât; ensuite on prendra un on deux bordages que l'on placera solidement, en les clouant et chevillant parallèlement à la quille des deux côtés, et sur l'avant du tronçon du grand mât, pour servir de guide et de coulisse au mâtereau que l'on veut élever; on épontillera les baux dessous, particulièrement à l'endroit où reposera le pied ou l'emplanture du mât; on présentera le mât d'hune ou le mâtereau, en plaçant sa caisse ou pied, à l'endroit où il doit reposer, et sa tête sur le fronteau d'avant; on frappera à la caisse trois palans: l'un sur l'arrière, et les deux autres sur les côtés tribord et babord, afin de l'assujétir provisoirement; pendant le même tems, on garnira le mât de ses barres, pantoires, poulies d'itagues, de ses haubans, galhaubans et étais; on frappera deux galhaubans volans: un tribord, l'autre babord, avec des palans, pour servir de gui au mât, quand on l'élevera; on y ajoutera un franc-funin à tête du mâtereau, dont le courant passera dans la poulie d'étai d'hune, ou toute autre, sous la hune de misaine, pour aider à élever la tête du mât. Tout étant disposé, on distribuera tout le monde sur ses galhaubans volans ou guis, ainsi que sur les haubans et galhaubans, et le franc-funin du lève-nez, en halant tout ensemble,on dressera le mât; après quoi, au moyen des palans de rappel de la caisse, on la placera à toucher le tronçon avec lequel on l'assujétira par trois ou quatre bonnes roustures, suivant la longueur du tronçon, et on lui fera sa carlingue en remplissant les vides entre la caisse et les bordages de la coulisse par des coins. cette opération achevée, on gréera un mât de perroquet sur ce nouveau bas mât, et une vergue de hune avec une vergue de perroquet pour grande vergue et vergue de hune.

p 320:

Pour remplacer le Mât de misaine, quand on l'a perdu par un démâtage.

Si on démâtait inopinément de son mât de misaine, après s'être d'abord occupé de se débarrasser des débris du mât, en coupant vivement son gréement, comme je l'ai dit plus haut, on mettrait de suite à la cape, sous le foc d'artimon, en assujétissant, sans moindre délai, le grand mât, le mieux possible; on préparerait un mât d'hune de rechange, et, à son défaut, on amènerait et dépasserait le grand mât d'hune, pour servir de mât de misaine; à la calmie, on le gréerait et le mâterait de la même manière qu'il a été dit, à la seule différence près qu'on placerait la tête du mât sur le fronteau d'arrière, de devant en arrière, afin de pouvoir l'élever à l'aide du franc-funin passé dans une poulie de guinderesse aiguilletée sous les grands élongis; si on avait encore une longue traversée à faire, il serait plus expéditif de démâter le mât d'artimon, pour servir de mât de misaine; et le mât de perroquet de fougue servirait de petit mât d'hune; on remplacerait le mât d'artimon par un mât d'hune.

p 321:

Pour remplacer et mâter un Beaupré, quand on l'a perdu.

Aussitôt que l'accident aura eu lieu, on arrivera vent arrière, si on n'y est pas, en coupant d'abord l'étai du petit mât d'hune, celui de misaine et de petit perroquet, ainsi que toutes les manoeuvres qui pourraient fatiguer la mâture de misaine, et l'exposer, en travaillant; on frappera tout de suite les caliornes de misaine sur les bossoirs, en les croisant et les passant sur l'arrière du mât de misaine,pour le mieux assujétir; il serait même prudent de caler le petit mât d'hune, jusqu'à ce que le noveau beaupré soit en place et assujéti. Les circonstances du tems détermineront cette nécessité; on établira, en attendant, les étais de misaine, autant en-dehors que possible, sur le tronçon du beaupré; après avoir garni le mât d'hune ou mâtereau qui doit servir de nouveau beaupré, on présentera sa tête en la passant sous le fronteau d'avant et au milieu; on y capellera deux palans à pantoires pour lui servir de gui et aider à le sailler dehors, au moyen de deux palans de bout frappés sur la caisse du mât; on lui passera aussi un étai en léve-nez, pour le soutenir; et, quand il sera poussé en place, on assujétira son pied par de bonnes roustures au tronç du mât perdu; enfin, après avoir fait des lieures et passé des sous-barbes, on établira les étais de misaine, du petit hunier et du petit perroquet; on y géera les focs, en y passant les boulines des voiles de l'avant, dans les poulis qu'on y aura aiguilletées.

Pour gréer des Mâtereaux, quand on a perdu tous ses Mâts.

Quand on aura le malheur de perdre tous ses mâts, on mâtera les deux mâts d'hune de rechange, si on les a conservés: le grand pour grand mât. le petit pour mât de misaine, avec leurs vergues ou celles qu'on a pu sauver, pour basses vergues; on mettra, pour servir de mâts d'hune, des mâts de perroquet de rechange, ou les plus forts mâtereaux ou espars qui restent à bord; faute d'autres, on emploierait les mâts de la chaloupe: enfin, dans une circonstance si malheureuse, on doit tirer parti de tout et sauver, si l'on peut, quelques-uns des mâts perdus. Il faut commencer par mâter le grand mât; après, le beaupré; ensuite, le mât de misaine; et, le dernier de tous, le mât d'artimon. On ne peut préciser tous les cas dans des circonstances aussi critiques, mais ce que j'ai dit plus haut, joint à l'expérience du chef et des officiers, suppléera à de plus amples détails: on doit sentir combien il est précieux de sauver les débris de sa mâture, lorsque cela peut se faire sans danger.

Couper les Mâts.


Babron, J.B.A.: Précis des pratiques de l'art naval, en France, en Espagne et en Angleterre, donnant, pour les trois marines, les termes techniques, les commandements et des vocabulaires en franç.ais, espagnol et anglais; des tables des dimen de la mature; les proportions du gréement, etc., pour chaque espèce de vaisseau de guerre ou de commerce; les manoeuvres particulières, les évolutions; la description des pavillons de toutes les nations, etc., etc.; quelques découvertes récentes, avec des planches d'apres les dessins de l'auteur.
L'Imprimeri de Michel, Brest, 1817. 8vo, 16.5x9.5 cm, (8), viii, 498, (2) pp, ill., 1 plate.

Transcribed by Lars Bruzelius


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