Quand les deux vaisseaux sont en route ils doivent être très-attentifs à leurs manœuvres réciproques, s'entr'avertir à la voix, gouverner très-exactement au même air de vent, mais cependant exécuter tous les changemens de route par la contremarche. Si l'un d'eux n'a plus de quoi filer pour rafraîchir il doit faire ajût d'un autre grelin. Si l'on suppose le premier usé vers le milieu, les deux vaisseaux doivent mettre en panne en venant au plus près et celui de l'arrière le premier, mais avec lenteur; alors le grelin usé sert de vaet-vient pour en replacer un autre. Si le grelin paraissait trop forcer et que le vaisseau remorqué ne pût augmenter de voiles, le remorqueur devrait en diminuer; et pendant la nuit surtout, il est prudent de ne pas s'exposer à la rupture de ce grelin. Si le temps est beau le grelin de remorque peut se donner au moyen d'embarcations, et même un bon manœuvrier sûr de son bâtiment, fort de son savoir, passe à ranger le vaisseau qui doit recevoir la remorque, et il la lui jette à bord; c'est une très-belle manœuvre dans un combat.
S'il faut virer vent devant, le vaisseau remorqué laisse arriver, ainsi il hâle la poupe du premier sous le vent, ce qui l'aide à virer; celui-ci étant abattu de quatre quarts, l'autre loffe pour viner à son tour; le remorqueur achève son évolution pendant ce temps et il décide le mouvement du vaisseau de l'arrière. Quand le virement doit être fait vent arrière, le vaisseau remorqué doit forcer de voiles parce qu'il a un plus grand tour à faire, et celui-ci doit en diminuer. Si l'on prévoit du calme on doit larguer la remorque et s'éloigner convenablement; le poids seul du grelin suffirait pour déterminer un rapprochement et pour occasioner un abordage. Nous en avons vu un exemple dans une escadre; les deux vaisseaux surpris ne purent larguer assez tôt la remorque; ils n'eurent pas le temps de se séparer d'assez loin; ils s'abordèrent, la houle était très-forte, ils ne pouvaient se servir que d'espars et de mâtereaux pour se dégager et ils firent beaucoup de mal. Nous pensons que le moyen adopté par le capitaine Porter, et dont nous avons parlé Séance XVIII, serait fort bon à employer ici, pour éloigner les deux vaisseaux pris de calme avant qu'ils fussent trop rapprochés. On cite aussi pour parvenir au même but et même pour tous les cas du calme, un mécanisme composé de deux roues à aubes qui tournent sur le même axe: cet axe ou arbre traverse le bâtiment et sort par deux sabords correspondans du travers; les roues sont en dehors, une de chaque côté; cette machine est mise en mouvement au moyen du cabestan. Il faut enfin, dans les circonstances de la remorque, être très-vigilant pour manœuvrer pendant les sautes de vent, et si elles devienent fréquentes on fait bien de larguer la remorque: il en serait de même par un gros vent, si un fort bâtiment en remorquait un petit, car celui-ci pourrait sombrer en certains cas. C'est toujours alors le bâtiment remorqué qui coupe ou largue la remorque; l'autre la hâle à bord. Si le temps devient mauvais et qu'il faille fuir vent arrière, la remorque ne pourrait être que dangereuse en ce qu'elle tient les vaisseaux très-rapprochés, et celui de l'arrière dans une direction à abriter l'autre; alors on la largue encore, on s'éloigne, mais le remorqueuer ne doit jamais perdre de vue le vaisseau avarié. Dans les viremens de bord vent devant, si la mâture du vaisseau remorqué est endommagée et qu'il craigne de démâter en coiffant ses voiles, il doit les carguer ou les serrer, le remorqueur suffira pour le faire virer; celui-ci doit seulement gouverner sur son air, comme nous l'avons déjà dit. Dans un convoi, les bâtimens de guerre ou les meilleurs voiliers peuvent remorquer jusqu'à cinq et six bâtimens.
Transcribed by Lars Bruzelius
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